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Aujourd'hui, voici le portrait d'Emilie, ancienne nageuse de l'équipe de France, vice-championne du Monde sur 20km à Bari en 2007. Elle nous parle de sont métier de psychologue du sport et de son expérience de nageuse. Bonne lecture...
Salut Emilie,
Pour commencer, peux-tu nous parler un peu de toi ? Comment as-tu commencé la NAP ? Que fais-tu dans la vie ? Qu’est ce qui t’as amené à devenir psychologue ? Quelles études as-tu faites pour travailler dans le domaine du sport ?...
Bonjour Léa et bonjour tout le monde. J’ai commencé la NAP à 9 ans, lorsque je suis partie habiter en Guadeloupe. Quelques jours après notre arrivée sur l’île, on était à la terrasse d’un café et j’ai vu passer un groupe de palmeurs qui s’entrainaient en mer. Sur le coup, j’ai cru que c’était des dauphins. Le jour d’après, j’ai couru m’inscrire au Marina Aguapalme !
Passionnée par le milieu du sport et de la performance, j’ai toujours voulu travailler dans ce domaine. Mon expérience en tant que compétitrice et mon envie de comprendre les facteurs « mentaux » de la performance m’ont dirigé vers la psychologie du sport.
Pour devenir psychologue sportif, j’ai fait ma License et mon Master à l’Ecole des psychologues Praticiens de Paris, une très bonne formation en 5 ans pour devenir psychologue clinicienne. Les trois dernières années de l’école, j’ai fait tous mes stages pratiques dans des instituts sportifs (INSEP, Paris ; CREPS d’Antibes), ce qui m’a permis d’acquérir des connaissances et déjà une certaine expérience avec le milieu sportif. Je suis maintenant en doctorat en psychologie du sport en Australie, à l’école des sciences du sport, University of Western Australia.
Tu as été psychologue au CREPS d’Antibes. Peux-tu nous parler de ton expérience là-bas ?
Ça a été une expérience pleine de challenges mais vraiment enrichissante! Il n’y avait pas de psychologue avant moi au sein de l’institution et on a dû partir de quasi zéro avec Michel Pou (le responsable haut niveau du CREPS) pour organiser le suivi psychologique des 120 sportifs, tout ça avec très peu de moyens sur le plan financier. Ce qui m’a paru important a été de sensibiliser et d’impliquer les entraîneurs des différents pôles France et Espoir dans ma démarche. Et de travailler en équipe avec l’entourage du sportif (entraîneurs, surveillants du creps, staff médical, équipe du haut niveau) tout en respectant l’aspect confidentiel du suivi psychologique (ce qui n’est pas toujours simple!)
Tu vis maintenant en Australie. Comment se passe ta thèse et ton travail dans ce pays ? Quelles différences y a-t-il avec la France dans le suivi des sportifs ?
Oui, j’habite à Perth (Western Australia) depuis maintenant 1 an et demi. Ma thèse et mon travail avec les sportifs se passent vraiment très bien. Un peu difficile au début à cause de l’anglais mais on apprend vite ! Je travaille sur le développement d’une nouvelle approche d’optimisation de la performance, qui intéresse beaucoup d’entraîneurs. Les conditions de recherche et de travail dans le monde sportif en Australie sont justes incroyables. J’ai eu la chance d’obtenir une bourse de thèse subventionnée par la WAIS (Western Australian Institute of Sport), ce qui permet d’observer le fonctionnement de l’intérieur. En bref, chaque sport est entouré d’une équipe d’experts scientifiques relatifs à chaque facteur de la performance (psychologie, physiologie, prépa physique, biomécanique, suivi professionnel). C’est un réel travail d’équipe avec des réunions régulièrement entre les experts et l’entraîneur, pour identifier les besoins des athlètes dans chaque domaine d’expertise. Le suivi des sportifs en Australie est définitivement une approche transdisciplinaire, qui focalise davantage sur des moyens humains que des subventions purement financières pour les athlètes de haut niveau. La psychologie occupe une grande place, et est complètement acceptée par les athlètes et les entraîneurs. L’approche est beaucoup plus scientifique qu’en France, basée sur des concepts théoriques et des interventions démontrées comme étant efficaces.
Pourrais-tu nous en dire plus sur le rôle d’un psychologue travaillant dans la psychologie du sport ? Qu’est-ce que cela peut apporter aux sportifs ?
Il y a beaucoup à dire ! Mais pour faire simple, il y a deux objectifs majeurs pour un psychologue du sport : aide à la performance et bien-être de la personne.
Concernant l’aide à la performance, le but du psychologue du sport est d’aider le sportif à :
1) Clarifier ses objectifs et moyens de les atteindre ; 2) Identifier les barrières/difficultés externes (environnement) ou internes (croyances négatives, anxiété de performance, peur de l’effort) qui compromettent l’atteinte de ses objectifs; et 3) Développer des stratégies pour gérer ces barrières, afin d’être uniquement focalisé sur les éléments qui lui permettent d’être performant.
Pour toi, qu’est-ce qui fait qu’en France, les sportifs n’aient pas recours plus souvent à un suivi psychologique ?
En France, lorsque tu parles de psychologie à un sportif, il pense que c’est pour les gens « malades » ou « fous ». Une fois sur deux il se sent menacé ou considère que c’est inutile. Les athlètes et les entraîneurs sont souvent méfiants. Tout le monde est un peu confus, probablement dû à la présence de nombreux intervenants de formations différentes (coach, préparateur mental, sophrologue, psychologue, psychiatre) qui interviennent en milieu sportif. Certains intervenants sont bons, d’autres ne le sont pas, et véhiculent une mauvaise image de la profession. Les entraîneurs ne semblent pas toujours suffisamment formés pour reconnaître les bons des mauvais, et ça laisse la porte ouverte à du n’importe quoi parfois. J’ai assisté au cours de ma carrière de sportive à des choses assez peu professionnelles sur ce plan-là.
Pour en revenir à la nage avec palmes, peux-tu nous parler de ta carrière de nageuse ? Pour quel(s) club(s) as-tu nagé ? Quel est ton meilleur souvenir ? Quel est ton pire souvenir ?
Je suis passée par de nombreux clubs et entraîneurs dû à mes nombreux changements géographiques ! : Raymond Tribollet (Marina Aguapalme), Dominique Lanouziere (U.S.Palaiseau), Michel Kitchev. (TOP), David Morin (PPO), et Cyril Chatelet (pôle France). Chaque entraîneur m’a énormément apporté en m’amenant à me dépasser et à me connaître davantage en tant que nageuse. Depuis mes débuts, ma spécialité a toujours été la longue distance. Je regrette d’avoir découvert le 20km aussi tard dans ma carrière, parce que je suis convaincue aujourd’hui que cette course me correspondait parfaitement physiologiquement et mentalement. A choisir, je préférais largement nager un 20km en mer qu’un 1500m en piscine !!
Mon meilleur souvenir restera mon résultat de vice-championne du monde à Bari (2007) sur le 20km. Cette médaille représente vraiment pour moi la concrétisation d’un investissement sur le long terme, et le résultat d’une certaine maturité sportive que j’ai mis du temps à acquérir.
Mon pire souvenir…il y en a quelques-uns ! Ma carrière a été alimentée de pas mal de déceptions, notamment en piscine. De façon générale, je pense que mon plus gros regret est de ne pas être allée au bout de mon potentiel sur mes distances en piscine, et d’avoir souvent été très frustrée par mes résultats. Un travail avec un psychologue du sport m’aurait beaucoup aidé à dépasser certains blocages je pense ! ;-)
Comment vois-tu notre sport en France ? Dans le monde ?
Comme beaucoup, je pense notre sport manque cruellement de médiatisation. J’observe ca seulement de loin, mais je perçois les efforts des personnes qui essayent faire avancer les choses, et je trouve ça génial. J’espère sincèrement que ça n’est que le début et que les choses vont décoller dans les années à venir. D’un autre côté, quand je vois les querelles et jalousies qui subsistent entre les clubs, je me dis que les esprits manquent parfois un peu d’ouverture pour que les choses avancent vraiment. Ensuite, j’espère que les connaissances scientifiques autour de notre sport vont se développer davantage dans les années à venir. Je pense que la palme gagnerait énormément à comprendre davantage les paramètres physiologiques, biomécaniques et psychologiques de la performance en nage avec palmes. À quand un pôle recherche au sein de la fédé ? ;-)
Sur le plan mondial, j’aurais du mal à me prononcer étant donné que je ne suis plus vraiment de très près la scène internationale.
Que dirais-tu aux jeunes qui débutent ou aux autres nageurs ?
Je leur dirais que ce sport vaut la peine de s’investir. Qu’avec de la patience et de la persévérance, on parvient à vivre des expériences incroyables, qui font ensuite partie de nous pour toute une vie.
Je dirais aussi qu’il faut rester humble et réaliste. Le nombre de pratiquants reste faible comparé à d’autres sports, et je trouve ça désolant quand je vois des têtes qui deviennent grosses comme des melons ou des chevilles qui enflent à plus pouvoir mettre un pied devant l’autre (dirigeant, entraîneur, ou nageur).
En bref, prenez votre pied, allez voir jusqu’où vous pouvez aller, et construisez-vous au passage !
Un petit mot à ajouter ?
Merci Léa pour m’avoir demandé de répondre à ces questions, et désolée d’avoir été aussi bavarde !
Sinon j’en profite aussi pour remercier mes différents entraîneurs, le PPO, les collègues de l’équipe de France, et toutes les personnes qui m’ont soutenue durant mes 18 années de palme… J’espère qu’un jour je pourrais rendre un peu à ce sport sans qui je n’aurais peut-être pas pris ce chemin-la aujourd’hui !
Enfin, je souhaite toute la réussite possible aux palmeurs français… et faites moi signe s’il vous prend l’envie de venir développer la palme à Perth, je serais votre première coach assistante et/ou nageuse!
Merci pour tes réponses, bonne continuation et à bientôt